f Les copains d’abord


Les copains d’abord

1
Non ce n’était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau,
Qu’on se le dis’ au fond des ports,
Dis’ au fond des ports,
Il navigait en pèr’ peinard,
Sur la grand-mare des canards,
Et s’app’lait «Les copains d’abord»
«Les copains d’abord».
2
Ses «fluctuat nec mergitur»
C’était pas d’ la litteratur’,
N’en déplaise aux jeteurs de sort,
Aux jeteurs de sort,
Son capitaine et ses mat’lots
N’étaient pas des enfants d’salauds,
Mais des amis franco de port,
Des copains d’abord.
3
C’étaient pas des amis de lux’,
Des petits Castor et Pollux,

Des gens de Sodome et Gomorrh’,
Sodome et Gomorrh’,
C’étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boéti’,
Sur le ventre ils se tapaient fort,
Les copains d’abord.
4
C’étaient pas des anges non plus,
L’Evangile, ils l’avaient pas lu,
Mais ils s’aimaient tout’s voil’s dehors,
Tout’s voil’s dehors,
Jean, Pierre, Paul et compagnie,
C’était leur seule litanie
Leur Credo, leur Confitéor,
Aux copains d’abord.
5
Au moindre coup de Trafalgar,
C’est l’amitié qui prenait l’quart,
C’est elle qui leur montrait le nord,
Leur montrait le nord.
Et quand ils étaient en détress’,

Qu’ leur bras lancaient des S.O.S.,
On aurait dit les sémaphores,
Les copains d’abord.
6
Au rendez-vous des bons copains,
Y’ avait pas souvent de lapins,
Quand l’un d’entre eux manquait a bord,
C’est qu’il était mort.
Oui, mais jamais, au grand jamais,
Son trou dans l’eau n’se refermait,
Cent ans après, coquin de sort !
Il manquait encor.
7
Des bateaux, j’en ai pris beaucoup,
Mais le seul qui’ait tenu le coup,
Qui n’ait jamais viré de bord,
Mais viré de bord,
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s’app’lait «les Copains d’abord»
«Les Copains d’abord».